Vous le savez, avec les copains, on trace les 727 pour découvrir de nouveaux coins près de chez nous. Nous venons de passer deux jours à parcourir les Alpilles et le Lubéron. Impression de rentrer d’un voyage de trois semaines à l’autre bout du monde. Le bikepacking me fait toujours cet effet. Je ne connais pas mieux pour distendre le temps et le faire exploser. Une nuit à la belle étoile après une journée passée à pédaler suffit à me catapulter dans une autre réalité, loin de la morosité ambiante.
Hier soir, au-dessus de Gordes, non loin de la piste de la Pouraque, secteur Grande Combe, je me suis endormi avec les oiseaux et le jour. Quand j’ai entrouvert les yeux trois heures plus tard : le silence était presque total, brisé par de rares pépiements nocturnes. Je me suis éveillé définitivement avec les premières lueurs de l’aube et peu après le concert des diurnes a commencé.
Un coucou là-bas, isolé, sur le tintamare des tché-tché-tché, des tii-tuu-tii-tyuu, des tact-tac-tac, des ti-tu-ti-tu-ti-tu. Aucune envie dans ce moment de consulter Merlin pour identifier les oiseaux. Je pensais à ceux des villes et des campagnes. J’ai toujours trouvé étrange cette bipartition. Il y en a pour tous les goûts.
À 6h10, nous pédalions déjà, sur une piste devenue caillouteuse, qui malmenait nos pneus gravel de cinquante. Impossible de faire passer par là le g727 2025. Après Saint-Didier, la descente mauvaise nous projette dans une zone pavillonnaire, traversée de routes passantes et de chauffards agressifs.
Longue traversée naunéseuse d’une plaine infecte avant d’atteindre les côtes du Rhône, et de retrouver le sourire. En un instant, le paysage a changé. Vue sublime sur le Ventoux, mauve en contre-jour. Puis de plus en plus de galets sur les chemins. À nouveau nos pneus dansent. Nous serrons les dents, ça passe, pourquoi pas pour une sortie d’un jour, mais certainement pas pour g727 de 727 km qui se veut œcuménique.
Une pensée nous traverse : le gravel est un vélo restrictif. Il restreint le territoire accessible, il limite les points de vue. Corrolaire : tracer des itinéraires gravel qui n’empruntent pas majoritairement des routes est souvent un casse-tête. Nous avons aimé ce secteur des côtes du Rhône, mais il n’est pas gravel à notre goût et ne sera pas dans le g727, tout comme Gordes dont l’approche nous a déplu.
Alors pourquoi tracer gravel ? C’est comme se demander pourquoi écrire de la poésie versifiée. La contrainte est souvent stimulante. Je me l’impose aussi parce que beaucoup d’amis aiment le gravel plus que moi, parce qu’il y a un public alors que celui du VTT itinérant reste une niche. Tracer gravel, c’est aller plus loin, plus vite, coudre le territoire d’une façon nouvelle, en ce donnant le droit s’emprunter de petites routes, comme celle désaffectée qui traverse de part en part le Petit Lubéron. Une merveille qui restera dans le g727 tout comme la traversée en enfilade de l’intégralité des Alpilles.
Nous sommes déjà plus de 40 au départ du g727 2025. Quelques photos pour vous donner envie de nous rejoindre (je vous épargne le récit du retour vers Arles, le long du Rhône par l’Euro Vélo sous un soleil méchant, 37°C, pas un souffle de vent — nous ne cessons de doubler des cyclotouristes surchargées qui louvoient à 10 km/h — l’un d’eux torse nu, chauve et sans casque, rouge pivoine).
PS : Nous avons testé les nouveaux pneus gravel Tracer de Specialized en 50 mm. Légers : 500 g, roulant, mais à déconseiller pour la roue avant. Ils avaient tendance à fuir dans les graviers. Nous monterons à l’avant les Terra en 50 mm pour le g727.

























