Dans un Ouigo
Dans un Ouigo

Je ne vous écris pas pour réclamer une faveur comptable, ce serait trop anecdotique, mais pour exiger des excuses de vos employés qui se sont mal comportés vis-à-vis de mon fils de 15 ans et continuent de mal se comporter vis-à-vis de notre famille.

J’ai déjà raconté deux fois notre histoire dans le détail, dans un premier article intitulé Les inhumains agents de la SNCF et un deuxième La SNCF doit des excuses à mon fils. Je me contente de la résumer, en ajoutant quelques précisions. Le 3 octobre, mon fils de 15 ans se rend seul aux obsèques de son grand-père maternel. En gare de Sète, étourdi ou plus sûrement en état de choc, il rate le TER qui devait le conduire à Montpellier Saint-Roch, où trente minutes plus tard un TGV devait le conduire à Paris, où je l’attendais pour qu’un autre TGV nous conduise à Nancy, autant de précisions qui ont leur importance.

Comme le temps presse, mon fils monte dans le premier train qui se dirige vers Montpellier, un TGV. L’agent AS163 le verbalise immédiatement, le sermone, lui inflige l’amende maximale avec pénalité maximale comme s’il était monté en gare de Toulouse et lui lance « Ça t’apprendra ». Bien sûr, il consulte le billet de mon fils, un Sète-Paris payé au prix fort puisque acheté au dernier moment, le scanne, mais n’en tient pas compte. Durant vingt minutes, il reste près de mon fils comme si ce dernier était un malfaiteur avant de le faire descendre en gare de Montpellier Sud, sans davantage d’explications. Mon fils m’appelle alors en larmes.

Arrêtons-nous quelques instants. Pour commencer, l’agent AS163 semblait avoir du temps puisqu’il a cessé sa tournée pour rester près de mon fils. N’aurait-il pas pu lui expliquer comment se tirer d’affaire ? Comment de la gare de Montpellier Sud gagner la gare de Montpellier Saint-Roch ? Non, rien, silence. Il a joué au flic avec un gamin propre sur lui, bon élève, poli, aimable, triste, malheureux… Peut-être que l’agent AS163 pensait à sa prime, car depuis que j’ai publié mes deux articles de nombreux lecteurs m’ont signalé qu’un contrôleur zélé pouvait arrondir ses fins de mois. L’agent AS163 devait saliver. Il tenait enfin un poisson solvable. Vu le look du gamin, les parents paieraient sans sourciller l’amende 4426130592 de 170 €.

Je continue. Mon fils se débrouille pour changer de gare et là, stupéfaction, il découvre que son TGV pour Paris a une heure trente de retard et qu’il peut donc y embarquer. Bien sûr, l’agent AS163 connaissait ce petit détail. Il n’en a rien dit. Pas une seconde, il ne s’est demandé ce que faisait un gamin dans un train en direction de Lyon alors qu’il se rendait à Paris. L’erreur n’était-elle pas évidente ? Il ne s’est pas dit que, si le retard du train avait été annoncé en gare de Sète, mon fils aurait attendu le TER suivant. Non, semble-t-il ? J’ai l’impression d’avoir mis le doigt dans une machine aux rouages étrangers les uns aux autres. On pourrait résumer : mon fils écope d’une amende de 170 € parce que son train a une heure trente de retard.

Mais je continue, parce que ce train étant arrivé en retard en gare de Paris Lyon, nous avons bien sûr raté la correspondance pour Nancy, et j’ai dû décaler nos billets, ce qui m’a coûté 90 € supplémentaires. Me voilà à devoir verser 260 € à la SNCF pour son incurie. J’ai bien sûr déposé une réclamation. Et là, stupeur, consternation. Je cite : « J’ai bien pris acte des circonstances particulières évoquées dans votre demande d’indulgence (non pas d’indulgence, mais d’excuse). Aussi, afin de me permettre de donner la suite qu’ils convient à cette affaire, je vous saurai gré (dans un futur sans doute très lointain) de me faire parvenir tous documents utiles permettant d’apprécier au mieux la situation (justificatifs de voyage au nom de votre fils, acte de décès). »

Est-ce que plus personne ne fait confiance à personne dans ce pays et dans cette entreprise ? Dois-je vraiment envoyer l’acte de décès de mon beau-père ? Ce n’est pas une blague ? J’aurais publié deux articles pour raconter des sornettes à seule fin de me faire rembourser 170 € ? Ça n’a aucun sens. J’ai passé plus de temps à écrire ces articles qu’à gagner l’argent que la SNCF me demande. Mais qu’est-ce que le personnel du service client a dans la tête ? Ils vivent peut-être dans le monde de Trump où il n’existe plus de vérité. Je suis tellement énervé par cette réclamation que j’envoie immédiatement l’acte et même une copie du livret de famille.

Cinq jours plus tard, je reçois un long laïus du médiateur de la SNCF où il n’est toujours pas question d’excuse de la part de l’agent AS163.

« Monsieur,

J’accuse réception de votre courriel du 14/11/2022 relatif au procès-verbal d’infraction à la police du transport ferroviaire référencé ci-dessus.

En l’espèce, vous avez appelé mon attention sur l’avis d’infraction enregistré à l’encontre de votre fils, le 03/10/2022, à bord du train n°6870 pour « Sans titre de transport ».

A cet égard, je me dois tout d’abord de vous signifier que l’avis d’infraction a été établi par un agent assermenté devant le Tribunal Judiciaire. Aux termes de l’article L 2241-1 du Code des transports, il est habilité à constater les infractions à la police du transport ferroviaire par procès-verbal, lequel fait foi jusqu’à preuve du contraire.

Par ailleurs, je porte à votre connaissance les dispositions de l’article R2241-27 du Code des transports qui interdit « de voyager sans titre de transport adéquat dans un train dans lequel le titre de transport ne peut être utilisé que pour un trajet à effectuer à la date et dans le train indiqués ». Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

J’ajoute qu’en matière de contravention, la matérialité de l’infraction est uniquement prise en compte, ce qui exclut toute appréciation de l’élément moral c’est-à-dire la détermination du caractère intentionnel ou non de la faute commise. Au moment du contrôle, notre agent ne pouvait que s’en tenir au fait caractérisant l’infraction, à savoir l’absence d’un titre de transport valable sur le train emprunté.

L’infraction étant parfaitement constituée, l’agent de contrôle était tenu de proposer une transaction correspondant à l’indemnité prévue par l’article 529-4 du Code de procédure pénale, et en cas de refus ou d’impossibilité de payer, de dresser un procès-verbal.

Je confirme après vérification, l’entière régularité de la procédure. Notre agent a fait une application stricte des dispositions du Code de Procédure Pénale.

Aussi, dans la mesure où vous n’avez pas joint les justificatifs de voyage de votre fils, valables le 03/10/2022, j’ai le regret de vous informer qu’il n’est pas possible de prendre une décision conforme au souhait que vous avez exprimé.

Toutefois, compte tenu des pièces fournies, il a été décidé, à titre bienveillant, de limiter le montant de la transaction à la seule insuffisance de perception de 50,00€.

Je vous invite à nous faire parvenir le règlement avant le 06/12/2022 selon les modalités reprises ci-dessous. Au-delà de ce délai, cette proposition deviendra caduque et la procédure pénale suivra son cours.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Responsable du Service Contentieux,

Nicolas FERRERES »

C’est en lisant ce message que je prends conscience que de rage je n’ai pas ajouté le justificatif du billet de mon fils, une information que la SNCF connaissait parce que le titre de transport avait été contrôlé et scanné, et parce que le billet ayant été acheté par moi au nom de mon fils, le service client pouvait le retrouver sans difficulté dans la base de données SNCF-Connect. Au pire, ce justificatif aurait pu m’être réclamé. Je découvre une machinerie, où on est coupable par défaut et qui, surtout, ne se remet pas en cause. Pas de présomption d’innocence à la SNCF.

Par ailleurs, l’avis d’infraction a été établi par un agent assermenté. Donc passez votre chemin, rien à discuter. Que le gars soit manifestement malhonnête et pas serviable, on s’en contre fiche. Que cet agent reçoive des primes pour verbalisation, c’est normal. L’agent AS163 est-il assermenté pour être inhumain ? Pour dire « Ça t’apprendra » ? Peut-être, puisqu’il y a des antécédents historiques à la SNCF. Pour moi, assermenté et prime ne font pas bon ménage. Si la parole de vos agents est indiscutable, nous sommes entrés dans une dictature ferroviaire.

Il me semble que l’agent AS163 plutôt que d’éjecter mon fils et de mal le traiter aurait dû l’aider. Il me semble qu’un agent de la SNCF est très mal placé pour faire la morale à un adolescent. Il me semble que demander un acte de décès est d’une lourde indécence. Il me semble que les dialogues à sens unique n’ont plus lieu d’être quand il est si facile d’échanger des messages.

Mon cher Jean-Pierre Farandou, j’avoue que je me mets à votre place. Votre vie ne doit pas être facile. Vous passez votre temps à négocier avec l’agent AS163 et ses collègues colériques. Ils défendent leur statut, leurs salaires, mais défendent-ils le service public ? J’ai des doutes, d’autant que j’écris ce message dans un TGV, pour lequel j’ai dû débourser un supplément, parce que le TGV que j’aurais dû emprunter a été annulé à cause d’une grève des contrôleurs et conducteurs.

J’ai fini par payer. Je suis juste écœuré. Je ne vous enverrai pas cette lettre parce que je n’ai aucun espoir que les choses s’arrangent à la SNCF. Certains de vos employés réussissent le tour de force de faire détester l’ensemble de leurs collègues.