Vendredi 1er, Balaruc

Juin a passé si vite, sa chaleur, sa lumière, c’est toujours une souffrance pour moi de voir l’été filer. Alors je relis mon journal avant de le publier, et j’éprouve du plaisir, voilà pourquoi je l’écris, parce que je m’y retrouve dans mes hauts et bas, et que grâce à lui le temps prend une consistance que peut-être il n’aurait pas.

Samedi 2, Balaruc

Journée de repos. Vélo prêt pour le voyage, empaqueté. Mais barre sur le front, comme à la veille d’une sinusite. Parfois rien n’est simple. Le sable fait grincer la machine, sans que je doive lui accorder une attention excessive, sinon je ne ferais rien.

Dimanche 3, Balaruc

Je continue de regarder avec fascination l’IA Midjourney convertir des textes en images. C’est comme entrer dans un cerveau fou, inhumain, incompréhensible et terrifiant. Elle dépasse déjà le génie moyen d’un artiste du dimanche. De quoi remettre en question notre place dans le monde. Impossible de croire à un privilège humain. La créativité est un fait universel, non un don particulier de notre espèce. Ma dernière requête gratuite est « a teleportation gate in a swamp with monsters ».

J’imagine un monde où nous ne ferons plus que dire : «  ajoute un arbre en arrière-plan, non, moins grand l’arbre, plus vert, ou plus jaune, ou couleur d’automne, au premier plan, une voiture passe ». La littérature sera convertible en images, tous les romans en films. Fabuleuses et terrifiantes perspectives. Il ne sera plus question d’avoir une aptitude technique, le don du geste, mais de maîtriser le langage. Après tout, il ne s’agira que d’une suite logique de l’évolution humaine, jusqu’à ce que les machines n’aient plus besoin de nos mots.

MidJourney
MidJourney

Lundi 4

Debout dans le TGV pour rester près du vélo. Des voleurs traînent dans les trains. Hier, deux vols. Contrôleuse hargneuse, désagréable, comme si elle avait la haine du genre humain et en particulier des cyclistes. Elle m’a fait la leçon sur la housse réglementaire exigée par la SNCF et a manqué me ficher dehors.

Dans mon wagon de première aucun livre, aucune liseuse, tout le monde le nez sur un écran de téléphone ou l’ordi. Être écrivain devient anachronique, nous sommes en concurrence avec des distractions offrant des plaisirs plus immédiats. Un certain John Greene convertit même ses podcasts en livres. Lecture édifiante, sur mon smartphone.

Comme je suis debout derrière les derniers sièges, je lorgne sur les écrans des passagers. L’un regarde une série médicale, un autre écrit, un scénario. Je finis par voir qu’il se connecte au site de Demain nous appartient, alors je ne résiste pas à lui parler, parce que la série aimerait tourner à la maison, maintenant que Candice Renoir a migré sous d’autres cieux.

Tout devient amusant. Il connaît ma maison, il y a travaillé, il sait que j’écris des bouquins, et nous parlons un temps du métier. Le monde est petit, à tel point que la contrôleuse finit par sympathiser avec moi. Ce voyage commence bien, finalement, même si je vais arriver à Paris avec mal aux jambes, sans parler de mon dos et de mes cotes encore douloureuses.

Mercredi 13, Balaruc

Retour à la maison, après une traversée de la France VTT lumineuse, et quelque peu épuisante. Brève note avant que la fatigue ne me rattrape. Mon dos ne m’a fait souffrir que la première journée. Timing de remise sur pieds parfait.

Samedi 16, Balaruc

Je me suis plié durant deux jours au devoir de mémoire, j’ai raconté mon périple, mis à jour la trace pour la partager et je me retrouve rendu à ma vie d’écrivain. Impossible de ne pas penser que samedi dernier je roulais vers Guéret, dans une temporalité distendue qui n’a rien de semblable avec celle de mon quotidien, rien de semblable avec le temps que j’ai pu connaître avant de découvrir le voyage à vélo. Sans doute voilà ce que je recherche avant tout, une distorsion qui altère toutes les perceptions. Maintenant, me remettre à mon roman, dernières relectures et derniers ajustements avant de le soumettre à Pierre.


J’écoute la radio. Records de chaleur. Incendies. C’est comme entrer dans un vieux récit de science-fiction qui referait surface. Nous y sommes, dans cet autre monde promis, et les villes continuent de briller de leurs feux au milieu de la nuit, plutôt que passer en mode veille. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les choses changent ?


Je ne peux pas m’empêcher de penser que mon père aurait 86 ans aujourd’hui, un âge après tout pas si vénérable. Souvent j’imagine qu’il revient et voit ce qui a changé dans le village, dans sa maison ou la mienne, peu de choses finalement. Il ne serait guère dépaysé, sinon par ses petits enfants.


Je suis accro à la série For All Mankind, histoire uchronique de la conquête spatiale. Prendre son temps pour raconter, ne pas avoir peur d’ennuyer, j’ai toujours eu peur, ce qui m’a poussé vers des textes courts. Sensation que je n’ai pas tout dit dans Quelques atomes de vérité. Il n’est pas trop tard.

Lundi 18, Balaruc

C’est l’apocalypse quand j’entre dans un de mes appartements dont le locataire ne donne plus de nouvelles et que je découvre une porcherie, avec deux chats laissés à l’abandon, des meubles brisés, des sacs poubelles éventrés. Impossible d’entrer, j’ai refermé la porte.

Mardi 19, Balaruc

Un ami à qui je propose de l’aide pour autopublier un livre via Amazon, pour le rendre disponible au plus grand nombre, me dit qu’il ne trouve pas les livres Amazon beaux, ce en quoi il n’a ni tort ni raison, ces livres obéissant aux critères de qualité moyen de l’édition. En revanche, il montre une attention à la matière du texte qui ne me touche plus guère vu que je lis sur écran depuis des années. J’apprécie de voir One Minute publié en coffret, mais il est plus important pour moi que ce texte existe, soit accessible, peu m’importe la forme.

Mercredi 20, Balaruc

J’ai commencé à lire hier On the theory of prose de Viktor Shklovsky, une approche structuraliste de la création littéraire datant de 1929. Je ne sais pas quelle idée m’a pris, moi qui ai toujours eu du mal avec le structuralisme, cette tentation pour les sciences molles de se durcir.

Herbert Spencer déclare en 1852 que le style consisterait à minimiser les efforts des lecteurs pour appréhender un contenu. Il y aurait une économie énergétique de l’esthétique, qui aurait pour but de maximiser les effets en un minimum d’énergie. Ce en quoi la littérature n’aurait plus aucune chance face à l’image, ce qui est en partie vrai, puisque les livres deviennent de plus en plus légers pour rivaliser avec le cinéma et désormais avec Tik Tok.

Je ne sais pas si j’irai loin dans ce texte, tant il fait référence à des concepts et des théories scientifiques dépassées, ce qui pose la limite de la pratique théorique, et la restreint dans le temps à quelques décennies au mieux, à moins qu’elle ne soit assez abstraite pour se libérer des contingences historiques. Se pose alors deux options pour le critique, accepter son éphémère, ce qui me semble en contradiction avec le désir d’écrire, de fixer une pensée, et alors l’image et l’improvisation vidéo me paraissent plus adaptée à cette forme de communication, ou alors parler de son expérience, raconter sa vie encore et encore, à travers ses sentiments, ses émotions, ses coups de cœur, écrire en inscrivant sa propre chair dans l’histoire, pour produire en quelque sorte des textes qui deviendront a posteriori des romans historiques, ce à quoi a parfaitement réussi Proust.


Je retrouve des copains à Montpellier pour ma première sortie vélo depuis mon retour. Ils partent sous une chaleur de gueux à plus de 25 vent de face. Très vite, mon rythme cardiaque s’emballe. Après cinq kilomètres, je suis obligé de m’asseoir à l’ombre et de reprendre mon souffle avant de faire demi-tour. Je n’étais pas fier et j’ai mis longtemps avant de récupérer. J’étais aussi furieux qu’aucun des copains, mais étaient-ce des copains, ne se soient retournés pour voir si j’allais bien. Le seul qui soit revenu à ma rencontre, je ne le connaissais pas.

Jeudi 21, Balaruc

Me voilà dans ma dernière année de ma cinquième décennie, encore sous le choc de mon semi-malaise d’hier en fin d’après-midi, encore à me questionner à son sujet. Ce journal n’est plus que le relevé de mes maux.


Je passe la matinée de boutique en boutique pour chercher une gaine électrique d’une norme absurde pour une installation Enedis. Je me heurte à la démence administrative et normative française.


J’étouffe de tourner en rond dans mes démarches électriques, alors je prends le vélo pour aller photographier les silos de l’ancienne usine Lafarge qui sont en train d’être détruits. Je n’ai jamais été attaché à leurs lourdes silhouettes, ils n’ont jamais eu de fonction esthétique pour moi, contrairement aux cheminées de briques qui se tenaient en retrait dans le bois de pins et que j’ai souvent dessinées, mais ils marquaient le paysage depuis ma jeunesse, derniers symboles d’un passé industriel. Et puis, comme la température est supportable, je continue de pédaler, je fais un tour de l’étang, ce qui me rassure quant à mon état physique.

Je suis juste administrativement épuisé. Je ne sais pas si ce genre de maladie psychiatrique existe. Je ne cesse de me heurter à des boucles imbriquées. Pour changer Tim d’académie, je dois disposer de son certificat de scolarité dans son nouvel établissement parisien. Mais pour terminer son inscription dans cet établissement, je dois d’abord changer d’académie. Et ainsi de suite, et bien sûr plus personne qui ne répond au téléphone en cette saison. Parfois le monde décide de m’emmerder.

Lafarge
Lafarge

Samedi 23, Balaruc

Les salins
Les salins

Dimanche 24, Balaruc

J’en suis arrivé à la phase de détestation de mon roman, à ce moment où il est préférable que je ne touche plus à rien plutôt que de tout détruire. Je sais qu’il me faut couper, réviser encore, sans doute ajouter des scènes et revoir des personnages, mais je n’en ai plus la force pour le moment, surtout sans un éclairage extérieur, alors j’envoie le texte à Pierre, en lui disant que je ne lui en voudrais pas s’il refusait ce texte.


Lettre à mon éditeur Un auteur commencerait à écrire une lettre pour accompagner son dernier manuscrit et le justifier, puis elle deviendrait si longue qu’elle prendrait la place du manuscrit lui-même. Je m’amuse à quelques pages dans la torpeur qui nous prive de force.


Nettoyage du pédalo, du plan incliné, virée vers le large, nous rentrons à la nage dans l’eau épaisse et portante pendant que le pédalo dérive.

Lundi 25, Balaruc

Endormissement tardif à cause de la chaleur, réveil tôt à cause de la lumière, journées qui s’étirent à faible énergie. J’aime juillet parce que c’est le mois de ma naissance, le mois du tour de France, le mois où l’année s’achève et recommence, bien plus fermement qu’en hiver, quand rien ne diffère décembre de janvier, alors que juillet a une texture unique, qui n’en fait rien de semblable à juin, parce que tout est plus jaune, plus épais, plus calme, et rien de semblable à août où déjà les jours raccourcissent, où les orages grondent, où la rentrée scolaire approche et avec elles d’autres rentrées. Août, c’est la fin de l’été, déjà, une urgence s’installe, un besoin de profiter des ultimes miroitements, quoique dans le Midi septembre sera plus beau souvent, sans même parler des irradiations mordorées d’octobre, reste qu’août finit souvent tristement, comme si une page devait se tourner, la vie repartir sur un cycle, pendant qu’en juillet j’ai l’illusion d’une stase éternelle, même quand je vois les jours défiler, sans réussir à les saisir, à en faire du particulier.


Grandes bourrasques d’ouest, ciel noirci à l’horizon, frissons des feuillages, les serviettes de bain en drapeau au dossier des chaises sur la terrasse, l’une se renverse, et le vent brûlant, l’eau laiteuse, les vagues crémeuses, et la pluie qui pourrait être providentielle, que nous attendons tous, mais qui se refuse depuis des mois, l’herbe jaune, avec quelques pousses vivaces, et ça redouble de violence, ça secoue, les plaisanciers raisonnables cherchent des abris pendant qu’un kayak inconscient se dirige vers le large. Le ciel se retourne, et je me lève pour plier le parasol.

J’étais en train de lire L’espace littéraire de Maurice Blanchot. « Le Journal marque que celui qui écrit n’est déjà plus capable d’appartenir au temps par la fermeté ordinaire de l’action, par la communauté du travail, du métier, par la simplicité de la parole intime, la force de l’irréflexion. » Et si c’était le contraire, si de décrire les bourrasques, je les éprouvais plus intensément, en les arrachant au temps, en les travaillant pour les mémoriser, et faire de cette après-midi dans le temps une île qui pourrait surnager à toutes les circonstances.

En quoi écrire ne serait pas une action comme une autre ? Une façon de se tendre vers le monde, de le saisir non réflexivement, goulûment, avec voracité ? Parce que je vois les jet-skis électriques du loueur tourner en rond devant le port, peu désireux d’affronter le large, et une rafale qui les renverserait. Je filme un instant le bruit, qui me donne une idée d’automne, ou même d’hiver, alors que je suis en short, torse nu, dans une chaise longue. Cette courte séquence dirait ce que j’entends et vois mieux que les mots, mais elle ne porterait pas avec moi ma mémoire et mon filtre.

Parfois, j’ai envie de monter tous les mois un assemblage de courtes séquences ainsi saisies, pour illustrer le texte, et je retarde le moment, parce qu’alors mon attention se transformera, et je commencerai à être obsédé par le relevé de ces séquences, et mon être en serait changé.

Pour Blanchot, l’écrivain tient un journal pour se souvenir de lui-même quand il n’écrit pas. J’ai rarement cette ambition. J’écris ici pour mieux percevoir les choses qui me traversent, la tourmente déjà en train de se calmer, alors que l’ouest s’éclaircit, que la chatte est sortie de sa cachette, que les enfants préparent un smoothie yaourt brugnons framboises, que les planches et les catas quittent la base nautique vent arrière. Je les évoque pour me contredire, bien sûr, parce que le journal peut servir de mémorial, mais surtout d’espace de liberté littéraire incomparable, où tout est possible, où les mots se transforment en télescopes et microscopes et aiguisent ma sensibilité. Je jouis davantage quand j’écris, mais aussi quand je photographie, et ce serait le cas si je filmais, comme c’était jadis le cas quand je dessinais. La contemplation n’est pas une action suffisante à mon bonheur.

Blanchot toujours : « Comme il ne sait plus qu’écrire, il écrit du moins à la demande de son histoire quotidienne et en accord avec la préoccupation des jours. » Peut-être bien que je ne sais plus qu’écrire, parce que même quand je fais du vélo c’est toujours pour écrire.

Mardi 26, Balaruc

Nouveaux tests de l’IA Midjourney. Après des images de réchauffement climatique, je pose quelques mots clés sur le Bikepacking, jusqu’à épuiser mon quota gratuit.

MidJourney
MidJourney

Appel de Pierre alors que je pédale avec des copains, de vrais copains cette fois, et qu’au loin les garrigues brûlent. Il aime Quelques atomes de vérité, sauf le titre. Il lui reste à définir quand le roman sortira. Heureux de retravailler avec La manufacture de livres, une belle famille éditoriale.

Nuage de fumée
Nuage de fumée

Mercredi 27, Balaruc

Pierre me parle de mon roman en des mots qui me montrent qu’il en a compris le projet jusque dans son intimité. Ça fait du bien d’être compris, ne serait-ce que d’un seul lecteur attentif. Mais je passe la journée à brancher des tableaux électriques, à naviguer entre EDF, Enedis, Bouygues, le consuel, mes locataires… J’ai voulu me simplifier la vie en autonomisant l’alimentation électrique des appartements de la maison de famille et, en plus de dépenser une petite fortune, je me suis cassé la tête dans l’imbroglio administratif durant des semaines. Ce soir, ça marche, j’en suis presque tiré, presque.

Jeudi 28, Balaruc

Réponse à un lecteur qui me reproche de ne pas boycotter Amazon. « Bonjour

Heureux que mes textes vous intéressent. Une question. Comment les avez-vous découverts ?

Mon blog est indépendant, hébergé sur un serveur indépendant, mais la plupart des lecteurs y arrivent via Google, Facebook, Twitter… Très rares sont ceux qui en saisissent l’adresse, ou la découvrent dans un autre blog lui-même indépendant, ou via un lien partagé dans un mail.

Vous-même m’écrivez à travers une adresse mail Orange. Il est quasi impossible d’échapper aux GAFAM et autres géants du numérique. Pour ma part, j’utilise la tactique du judoka : je retourne la force de l’adversaire contre lui-même, parce que si je ferme les yeux je ne ferai pas disparaître l’adversaire, je ne le verrais simplement plus.

Pour le moment, Amazon continue de diffuser mes livres même si j’y défends des idées très éloignées de celles qui régissent Amazon. Je profite donc de cette opportunité tant que je peux.

On vit dans un monde intriqué et rester droit dans ses bottes est loin d’être simple. Mais si vous boycottez Amazon, vous ne pourrez pas lire certains de mes livres, parce qu’aucun acteur du marché traditionnel ne les diffuse. Nous autres auteurs n’avons souvent pas beaucoup d’autres alternatives pour nous faire entendre. »

Canadair
Canadair

Jeudi 28, Balaruc

Je devrais écrire un article pour expliquer l’incohérence du boycott d’Amazon quand par ailleurs on utilise Facebook, Twitter, Google, des comptes mail attachés aux GAFAM ou aux providers, travaille avec des logiciels non libres sur des matériels non libres, consomme de l’essence produite par des groupes pétrochimiques, paye avec des monnaies fabriquées par des banques privées, oui des euros… S’en prendre à un des acteurs symboliques du système ne remet en rien en cause le système. C’est même se priver d’une arme pour résister au système.

J’en ai assez d’entendre des bêtises. Oui, Amazon est un monstre capitaliste, une terrible machine de guerre économique, mais elle est loin d’être la pire selon moi. Je me méfie plus de Facebook ou de Google qui, par leur force gravitique, ont centralisé le Net au point de réduire ses degrés de liberté à peau de chagrin. Les boycotteurs d’Amazon n’ont aucune culture numérique, ils ne connaissent pas le marché de l’édition, parce qu’aujourd’hui, sans Amazon, nous ferions comment pour diffuser nos textes papier de manière économique, sans investissement préalable, dans la plus grande transparence ? Nous ne le ferions pas, parce que la chaîne du livre traditionnelle n’est plus capable d’accepter la masse de nos productions, sa diversité, son inventivité, ses approches souvent non commerciales. Voilà le paradoxe : Amazon monstre de capitaliste laisse la place en son sein pour des expériences purement artistiques à visée non immédiatement lucratives. Vous connaissez une autre façon de publier des livres sans débourser un centime et de les proposer partout dans le monde à moindre coût ? Je ne jette pas le bébé avec l’eau du vin.

Je ne crois pas au boycott comme force réformatrice. Ce n’est qu’une façon de s’acheter une bonne conscience et de s’illusionner d’agir, alors que l’action doit se jouer en profondeur, dans le temps long de l’évolution des mentalités. Alors j’écris des textes, je les diffuse, je défends des idées et je les fais circuler par tous les moyens à ma disposition, via Amazon et dès que possible grâce aux libraires indépendants. J’agis sans doute bien plus efficacement contre Amazon en utilisant Amazon que si je fermais les yeux sur son existence.

Listel
Listel

Vendredi 29, Balaruc

Sète, le soir
Sète, le soir

Samedi 30, Balaruc

Mercredi mon ami Jean-Hugues Villacampa m’a proposé de lui écrire une nouvelle pour l’anthologie annuelle du salon imaJn’ère, je ne lui réponds ni oui, ni non, tout dépendra si une idée vient. Et jeudi soir, au moment de m’endormir, une idée jaillit, je la tourne dans ma tête, écris quelques lignes, et tente de me rendormir, en vain. Nuit agitée, de peu de repos, et vendredi matin j’écris 15 000 signes d’une histoire venue de nulle part, loin de mes thèmes habituels, une histoire d’amour fou, fusionnel, et aujourd’hui je la termine, et prends conscience que cette nouvelle est le premier chapitre d’un livre potentiel. Je dois me calmer, laisser refroidir la marmite, rien de mieux que les amis qui déferlent sur la maison pour me faire penser à autre chose. Certains arrivent en bateau de Sète, sur une barcasse bien nommée Gombro, en hommage à Gombrowicz. Ils accostent devant la maison. Nous nous baignons dans l’eau claire au coucher du soleil. Nous avons de la chance. Nous ne cessons de nous le répéter.

Dimanche 31, Balaruc

Dans sa newsletter apériodique, Philippe Castelneau nous explique que tous les trois ans il repeint les murs de son blog, puis il nous parle des maisons d’artiste de Bussana Vecchia, au-dessus de San Remo, kitsch, couvertes de croûtes immondes. Une analogie ? Moi aussi tous les deux trois ans je me remets dans le code du blog et chaque fois je me dis, j’ai simplifié autant que possible, et chaque fois je recommence, parce que le monde numérique change autour. Ça pose un problème de pérennité, parce que depuis 22 ans ma villa au bord de l’étang de Thau, elle, n’a pas changé et je m’y sens toujours aussi bien. Si le blog est une œuvre, si sa substance informationnelle, sa base de données, ne change pas, son apparence évolue au gré des modes et des normes, elle n’est qu’un voile sans importance, voilà pourquoi je maintiens une version minimaliste en parallèle, au plus près de l’information brute, avec un encodage minimum.