Avant même de me présenter, à froid, je commencerai par tracer le réseau social qui lie les participants (et aussi le réseau virtuel via Facebook, Twitter ou autre). Comme je n’ai pas le courage d’utiliser un logiciel comme Gephi. Sur une grande feuille de papier, nous écrirons nos noms et nous indiquerons les connexions préexistantes. Le but sera de voir comment ce réseau évoluera au fil des dix heures que nous passerons ensemble.

Je commencerai alors par raconter ma vie, comment je me suis peu à peu connecté, comment je ne pourrais plus m’en passer, tant La stratégie du Cyborg est devenue mienne. Je décrirai une journée type, comment j’écris, comment j’utilise les outils sociaux, comment j’anime ma communauté et aussi qu’elles sont les grandes lignes de ma philosophie, tant vis à vis du métier de community manager que plus généralement : refus des structures coercitives, goût pour la décentralisation, open source, libre circulation…

Je ne cacherai pas ma position d’activiste. Pour moi, il n’y a pas une réalité à laquelle se plier mais un monde à transformer. Je ne jouerai pas au professeur qui dispense un savoir objectif. J’essaierai de montrer à quoi ressemble la vie d’un connecteur. Je parlerai de mes choix, de mon refus du toujours plus, de ma tendance très épicurienne à favoriser la qualité à la quantité.

Ces préliminaires et les conversations qui ne manqueront pas de surgir nous occupons trois premières heures j’imagine. Les pauses seront fondamentales pour que les participants puissent commencer à tisser des liens qui viendront complexifier le réseau initial.

Le lendemain, je serai plus théorique, un peu mathématicien, un peu physicien. Les professionnels qui se lancent dans les réseaux sociaux me font souvent sourire. Ils ne savent pas sur quels œufs ils marchent. C’est comme s’ils conduisaient une voiture à fond de train dans un désert sans aucune connaissance en mécanique. Je préfère ne pas être leur passager (et donc pas une entreprise qui leur confie une mission).

Je ne vais pas tant parler des réseaux que d’une révolution plus large dont j’ai commencé la description dans Le peuple des connecteurs et que j’ai poursuivi avec Propulseur dans le flux et L’alternative nomade.

Pour que j’évite de me perdre, j’établis une liste non exhaustive des sujets à traiter.

  1. L’expérience de Stanley Milgram, 1967. La théorie des six degrés de séparation. Cas précis de la cartographie en début de séance. Ou en somme nous ? Densité des liens. Distance moyenne.
  2. La plupart des réseaux que nous observons dans la nature n’ont pas été construits par le haut, ils se sont construits de l’intérieur. De la différence entre top down, bottom-up et auto-organisation.
  3. Avant qu’il existe un haut (pour commander) ou un bas (pour répondre au désir du haut), il n’y avait que l’auto-organisation. Les boids de Craig Reynolds et comment l’évolution sélectionne les règles fécondes.
  4. Beaucoup de gens refusent la possibilité de l’auto-organisation. Ils ne l’acceptent pas (alors pas d’autre recours que d’invoquer Dieu – et si j’étais dieu j’aurais inventé l’auto-organisation pour ne pas avoir tout à gérer). Il faut prendre conscience du phénomène si on veut s’épanouir dans le monde des réseaux hautement décentralisés. On n’entre pas dans un univers déterministe. Bien sûr, certains tentent de contrôler les réseaux. S’ils y réussissent, ils cassent l’auto-organisation. Je ne suis pas un adepte du contrôle mais j’encourage l’auto-organisation et l’exploration des règles fécondes.
  5. L’auto-organisation humaine. L’exemple du dent-pour-dent durant la Première Guerre mondiale et le dilemme du prisonnier. Je détaille cette expérience dans L’alternative nomade.
  6. Autres exemples d’auto-organisation dans nos sociétés (circulation des piétons, trafic routier, les chauffeurs de camion mexicains, les porteurs de gamelles en Inde…).
  7. De la différence entre auto-organisation et autogestion.
  8. De la différence entre auto-organisation et régulation.
  9. Structures top-down, bottom-up et auto-organisées s’interpénètrent. Suivant les situations les unes ou les autres sont plus efficaces. Simplicité et complexité.
  10. Le jeu de Mikado.
  11. De la différence entre compliqué et complexe.
  12. Encore une fois, il faut résister au sens commun qui nous dit que « Plus c’est compliqué, plus il faut contrôler. » Les limites du command and control.
  13. Cartographie des relations donne une idée de ce qui est compliqué ou ne l’est pas. Les différentes topologies de réseau. Quelques propriétés des réseaux décentralisés (force des liens faibles par exemple).