L’iPad révolutionnera-t-il l’édition ?

Comme je travaille sur la mise en forme ePub de La quatrième théorie et de J’ai eu l’idée, sortie pour ce dernier le 1er mai chez publie.net, j’ai voulu voir ce que ces deux textes donneraient sur le tant vanté iPad. Vendredi dernier, Thierry Charles, spécialiste du développement Apple, m’a fait une démo.

J’avoue, j’ai été bluffé par la sensibilité de l’écran tactile. J’avais l’impression de toucher les images, d’entrer dans leur texture… même les utilisateurs d’iPhone ne peuvent pas imaginer. L’expérience est sensuelle… Elle fera taire tous ceux qui évoquent le touché du papier pour sauver le livre traditionnel. Caressez un iPad et vous ne douterez plus que le temps du livre touche à sa fin.

Pas d’affolement. Si l’application de lecture est impeccable, il est en revanche quasi impossible de lire en extérieur tant l’écran est brillant et reflète tout ce qui nous entoure. L’iPad n’est pas une interface mobile. Je conçois qu’en intérieur, la lecture devrait être relativement confortable, même si l’appareil est quelque peu pesant, au moins 200 grammes de trop à mon goût.

Et pas plus d’enthousiasme que d’affolement. Vous vous en doutez, je ne goûte pas la stratégie centralisatrice d’Apple. Même si Steve Jobs nous propose un bel appareil, il reste accroché au vieux modèle de la rareté (j’ai eu l’idée que Steve Job aurait pu entrer dans l’Histoire s’il avait adopté l’économie de l’abondance).

Sa tablette, d’une belle facture technologique, me parait une grande régression politique, un retour au Minitel. Alors qu’Internet avait libéré l’accès à tous sans rien demander à personne (je crée un site quand je veux, je crée un lien vers où je veux), Apple s’introduit en censeur, en taxeur, en squatteur de l’écosystème numérique.

Nous ne résoudrons pas le problème de la monétisation sur le Net avec des appareils qui nieront les innovations du net (libre accès, interopérabilité, open source, décentralisation, abondance…). « On ne sait pas faire payer sur le Net, alors réinventons un Net propriétaire. » Voilà en substance ce que nous propose Apple, ce qu’applaudissent ces imbéciles de groupes médiatiques, court-circuités par la vague du Web libre.

Les auteurs, pas plus que n’importe quel citoyen, ne peuvent se réjouir de l’arrivée d’un appareil qui fait régresser nos droits. La monétisation, oui, mais pas à n’importe quel prix. Une tablette oui, mais une tablette qui nous donne accès au Net, avec les outils du Net, sans limitation d’aucunes sorte, qui au contraire développe de nouveaux usages.

Maintenant, l’iPad est là. Je ne crache pas dessus, d’autant qu’Apple reverse 70 % de ses revenus aux producteurs de contenu. J’y distribuerai mes textes, mais en veillant à la disponibilité d’autres solutions. Et j’attends des tablettes concurrentes, moins chères, plus ouvertes… surtout qui nous autorisent un développement décentralisé ! On ne va tout de même pas réinventer l’édition en la centralisant...

PS : que l’iPad s’impose comme liseuse ne me dérange pas car il est ouvert à tous les ePub, bien mieux que le Kindle.