Je sais bien que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir, qu’il existe une gradation de niveaux de gris mais, malgré mon antiessentialisme primaire, j’aime décrire les choses à l’aide de forts contrastes, sachant que la vérité se trouve quelque part entre les extrêmes.

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En discutant avec Alain Bénard à La Réunion, j’ai constaté combien sa position politique est aujourd’hui difficile à définir. Rattaché à l’UMP dont il n’a pas la carte, il me dit être un progressiste : son ambition est de mettre les citoyens volontaires au centre de toutes les décisions.

J’ai alors songé qu’on pouvait classer les hommes politiques en deux camps, en fonction de quelques oppositions de principes, indépendamment de leur alignement politique conventionnel.

  1. Manager/Leader. D’un côté, le chef, sûr de lui, sûr de pouvoir faire des miracles, ordonne de mettre en œuvre ses idées. De l’autre, le leader suggère une idée et demande aux citoyens de réagir, de proposer, de s’entendre… En d’autres mots, des politiciens militent pour le participatif, pour l’intelligence collective, et d’autres pas. Cette opposition dépasse les vieux clivages. Elle stigmatise deux visions du monde. Toutes les autres oppositions découlent de celle-là. Comme le participatif est un passage obligé, je comprends mal ses adversaires… mais Rome ne s’est pas fait en un jour.
  2. Fermeture/Ouverture. Un manager n’aime pas que les étrangers, surtout ses ennemis politiques, se mêlent de ses affaires. Pour ne pas perdre le pouvoir, il ne le partage pas. Au contraire, le leader se moque du pouvoir, il en connait la futilité, la vanité, l’inutilité, il cherche à le distribuer entre le plus grand nombre de mains possibles pour que sa surabondance n’avilisse pas ses détenteurs.
  3. Secret/Transparence. Généralement, le manager, celui qui croit connaître la solution, n’a pas besoin de communiquer car il décide seul. Au contraire, pour que l’intelligence collective fonctionne, les citoyens doivent disposer de toutes les informations disponibles. À priori personne ne peut savoir qui aura une idée géniale. Il faut laisser une chance aux miracles. Plus il y a de citoyens qui participent, plus la probabilité d’un miracle est grande. Le leader n’utilise plus la rareté de l’information comme preuve de sa puissance. Son aura de leader lui vient parce qu’il porte un projet pour l’avenir et qu’il fait accoucher les rêves des citoyens.
  4. Centralisation/Décentralisation. Le manager, pour tenir son pouvoir, doit le concentrer, l’approcher de lui, il ne peut s’empêcher de centraliser (les dictateurs sont toujours des centralisateurs). Au contraire, le leader décentralise car il veut partager le pouvoir entre tous.

Pour résumer, il existe comme Alain Bénard des politiciens qui ont compris que le monde avait changé et que nous devions le gérer différemment. De l’autre, il y a ceux qui ne croient qu’à la méthode autocratique théorisée par Thomas Hobbes au XVIIe siècle et appliquée depuis.

Quand Alain m’a dit qu’il était progressiste, je lui ai répondu que non. Ses adversaires sont des réactionnaires, c’est une certitude, mais lui n’est pas progressiste. Un progressiste veut aller vers le futur à tout prix, il est porteur de rêves en rupture.

Alain n’a pas de tels projets. Il répond juste à la nécessité. Par exemple, sa ville éco-citoyenne ne parait futuriste que pour les réactionnaires. Pour les hommes conscients des maux de notre temps, elle est une réponse évidente aux problèmes climatiques comme aux problèmes sociaux.

Pour moi, Alain Bénard est avant tout un réaliste, un pragmatique, un empiriste. Il laisse les idéaux à ses adversaires. Alain pourrait être un des membres fondateur du A-parti.

Notes

  1. J’avais initialement écrit a-parti, a pour le privatif, pour faire a-politique. En écrivant A, je fais du A-parti le parti premier...
  2. Ce A c’est aussi le @ d’internet.
  3. C’est le A des anarchistes, qui pensent qu’on peut vivre sans commandement central, et qu’il ne faut pas confondre avec les partisans de l’anomie, un monde sans loi. Nous avons besoin de lois fécondes.
  4. En le surlignant, il devient le non-A...